Olbert, artisan de l'âge d'or de l'abbaye bénédictine
12/03/2016 16:47Au XIe s. l’abbaye de Gembloux atteint un des sommets de son histoire.
L’abbé Olbert (1012-1048) y contribua largement. C’est le grand siècle de Gembloux.
Ses origines et sa formation
Olbert naquit vers 980-985 à Leernes (canton de Fontaine- l’Evêque) qui dépendait alors de l’abbaye de Lobbes. Ses parents étaient de bonne condition et pieux.
C’est à l’abbaye de Lobbes qu’il reçut sa première formation. Initié à la vie bénédictine, en même temps qu’aux savoirs littéraires et scientifiques (les sept arts libéraux disait-on alors) par l’abbé Hériger (990-1007). Ce maître d’une exceptionnelle valeur était l’ami du prince évêque de Liège, Notger, au service duquel il était resté plus de dix années. C’est sous sa bienveillante mais ferme conduite qu' Olbert développe ses qualités intellectuelles et morales.
Avide de savoir, Olbert s’en alla compléter ses études en France où il demeura cinq années. Il séjourna d’abord au monastère de Saint-Germain- des- prés à Paris. Puis il passa environ trois ans à Troyes. Il partit ensuite pour Chartres où enseignait le grand Fulbert.
Il rentra ensuite à Lobbes avant de partir pour Worms, vers 1008, comme précepteur de l’évêque Burchard. Il y demeura environ quatre années et devint un familier du prélat qui lui offrit de demeurer près de lui. Devant son refus, il le recommanda à Baldéric II, l’évêque de Liège (1008-1018).
L'abbé Olbert (1012-1048). Dessin de l'abbé Papin en 1527. (c) Bibliothèque Royale Albert Ier Bruxelles.
La nomination à l’abbatiat de Gembloux (1012)
L’occasion d’accéder au désir de son collègue et amis, l’évêque de Liège le trouva peu après, quand l’abbatiat de Gembloux devint vacant. L’abbaye de Gembloux était alors entièrement soumise à la juridiction du prince évêque de Liège, depuis 988.
Il délibéra avec son conseil sur le successeur à donner à Erluin le Jeune décédé en 1012 et constata avec satisfaction qu’Olbert était considéré comme l’homme idéal pour remplir pareille tâche. En dépit du fait que la communauté monastique n’avait pas été consultée, conformément à la règle bénédictine et à la charte de 946 qui autorisait les moines à élire leur abbé, le nouveau supérieur gembloutois reçut la bénédiction abbatiale le 21 septembre 1012, après une courte résistance des moines de la communauté ulcérés de la façon cavalière dont le prince évêque avait agi à leur égard.
La réforme de l’abbaye de Gembloux
Dans son œuvre de réforme, l’abbé Olbert fit preuve de prudence et d’habileté. Il restaura la discipline et favorisa l’essor des lettres et des sciences. Il incita ses religieux à enrichir leur science du sacré au contact de la Bible et des Pères de l’Eglise. Il voulait une stricte application de la règle de saint-Benoît en matière de pauvreté individuelle et d’obéissance. Il souhaitait que les bâtiments claustraux fussent pourvus de tout le nécessaire à la vie monacale et que le temporel reposât sur des bases solides. Ainsi, les moines n’auraient à quitter le couvent que le moins possible. Ils jouiraient aussi de la liberté d’esprit requise à l’accomplissement de leur tâche spirituelle au service de Dieu.
Les acquisitions territoriales
Une des principales causes du relâchement monastique pendant l’abbatiat d’Erluin avait été le dénuement de l’abbaye. Aussi, Olbert s’appliqua-t-il à remettre de l’ordre dans les affaires temporelles. Si bien que Sigebert a pu dire qu’on n’aurait pu, au point de vue des aptitudes à gérer les intérêts matériels, lui trouver un talent supérieur…
Les dons affluèrent. Ils servirent à des achats de propriétés, comme une partie de Grand-Manil. Ils contribuèrent aussi à de fructueux échanges. Le domaine monacal s’en trouva bientôt quasi doublé.
La reconstruction du monastère
Cette heureuse administration temporelle permet également à Olbert de reconstruire intégralement le couvent. Les bâtiments claustraux, trop exigus, comptaient alors trois quarts de siècle. Certains menaçaient ruine. Qui plus est, l’église Saint-Sauveur servait à la fois à la paroisse et au monastère.
Olbert décida de donner à ses religieux une abbatiale destinée à leur usage exclusif. Il voulut lui ajouter de nouveaux bâtiments monastiques avec leurs ateliers et dépendances.
La septième année de sa prélature, il jette les fondements de l’abbatiale que l’évêque de Liège consacre en 1022. Cette église subsistera jusque vers l’année 1782, lorsque Jacques Legrain, l’avant dernier abbé de Gembloux (1759-1790), en ordonne sa démolition.
Olbert se plut à fournir à la nouvelle abbatiale un riche mobilier, disparu en grande partie à la fin du XIe s. Les restes de Saint Guibert et des trois premiers abbés furent transférés dans la crypte.
La bibliothèque du monastère
Pendant son abbatiat de 36 années, Olbert, grand lettré comme on l’a vu, a réussi à doter la bibliothèque de 150 nouveaux manuscrits, dont une centaine de science sacrée et le reste de sciences profanes. Certains de ces ouvrages ont pu être achetés ou reçus gracieusement mais la plupart furent le résultat du travail des bénédictins de Gembloux qui s’occupaient à la transcription des grandes œuvres antiques et médiévales que l’on pouvait trouver, en prêt, dans divers centres intellectuels, comme les bibliothèques de Liège, de Lobbes et d’autres abbayes de Lotharingie. Il arrivait que des moines soient contraints à ces travaux par mesure disciplinaire. Quinze manuscrits du XIe s. portant la mention de Gembloux sont conservés à la Bibliothèque Albert Ier à Bruxelles.
Pareille activité littéraire constitue, alors, une innovation à Gembloux. Il fallut attendre un siècle après Olbert pour retrouver un prélat soucieux comme lui d’enrichir la bibliothèque de son couvent.
L’école de Gembloux
Olbert fut aussi un maître remarquable. Il enseigna à de nombreux élèves, réguliers, séculiers, et laïcs, dont plusieurs de la cour impériale.
Il sut leur inspirer le goût de l’objectivité historique, le recours aux sources directes et dignes de foi, le rejet de toute tradition douteuse et la mise en garde contre le délire de l’imagination.
Sigebert évoque son « visage terrible, maniant facilement la férule ».
A la richesse matérielle de l’abbaye correspond le développement du patrimoine intellectuel. Les arts, les lettres et les sciences prennent un magnifique essor. L’école de Gembloux jette un éclat qui brille dans toute l’Europe.
L’abbé de Saint-Jacques à Liège (1020-1048)
En 1015, à la demande de l’évêque de Liège Baldéric II (1008-1018), fut entreprise la construction de l’abbaye Saint-Jacques, sur une île de la grande cité mosane.
Ce furent les moines de Gembloux qui en occupèrent les bâtiments si tôt que possible
Après avoir longtemps résisté aux sollicitations de Baldéric II et de son successeur, Olbert finit par accepter d’en être le premier abbé. Pour peupler le couvent il fit venir de Verdun et peut être de Florennes des moines bien disciplinés. Comme il l’avait fait avec les religieux de Gembloux, il prit soin d’employer une partie de leur activité à la transcription de manuscrits.
Le 29 juin 1048, Olbert fit ses adieux à la communauté gembloutoise. Il regagne alors Saint-Jacques où une forte fièvre le saisit. Il meurt à Liège le 14 juillet 1048.
Lorsque les moines de Gembloux apprirent son décès, ils accoururent à Liège. Ils ne purent cependant obtenir que la dépouille mortelle du rénovateur de leur couvent leur fut rendue.
Olbert fut enterré dans l’église abbatiale Saint-Jacques, sous la couronne du chœur.(1)
Il avait présidé pendant trente-six années aux destinées de Saint-Pierre à Gembloux et vingt-huit autres à celles de Saint-Jacques à Liège.
Ndlr.
Cet article est un condensé du texte de Joseph Toussaint, docteur en histoire et historien de la ville de Gembloux, publié dans son remarquable ouvrage « Gembloux, la ville et l’abbaye » éd. de L’Orneau -1977.
J’ai consulté aussi et repris certains renseignements utiles dans l’ouvrage de Léon Namêche « La ville et le comté de Gembloux » éd. J. Duculot -1964.
(1) Mes recherches à l'église Saint-Jacques n'ont pas permis de retrouver la moindre trace de la sépulture d'Olbert. La guide que j'ai interrogé sur place a seulement pu me confirmer, plus tard, qu'il avait effectivement été enseveli là...mais que l'on ignore aujourd'hui l'emplacement de ses restes, de même que la dalle funéraire ou ses fragments. Sic transit...
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