(2/2) De l'âge d'or au déclin

17/12/2014 18:22

 

A la fin du XIXe s. l’organisation primitive du processus de fabrication cède la place à des méthodes industrielles collectives. L’artisan fabriquant seul et en entier le produit de sa  spécialité est progressivement remplacé par l’ouvrier spécialisé à sa machine. Chacun, dans sa spécialité, s’occupera d’une phase spécifique de fabrication. Au début du XXe s. , 400 personnes sont occupées dans la coutellerie et bon nombre d’ateliers sont équipés de machines à vapeur.

Certains industriels ne se borneront pas moderniser leur entreprise: ils les orienteront résolument vers une activité à caractère plus spécialisé. Deux fabriques d’instruments chirurgicaux qui avaient été fondées en 1880, fusionneront en 1928 pour devenir la S.A. Manufacture belge de Gembloux qui a produit, dans les années ’60, plus de 6.000 instruments différents, occupait quelque 350 personnes et exportait 40 % de sa production à travers le monde.

En 1909, apparaît la première fabrique de couverts.

Peu après la guerre 14-18, Joseph Depireux, un forgeron d'une habileté rare, parvient à force d'expériences et de ténacité à forger à l'usage de la coutellerie, un nouvel acier introduit nouvellement sur le marché: l'inox. Malgré ses 12 brevets, il fut rapidement imité de toutes parts, mais rarement égalé. C'est grâce à lui que l'industrie coutelière gembloutoise impose ses produits au plan international: "les Inox de Gembloux".

En 1922, tel industriel se spécialise dans la fabrication des machettes. Ses outils de différents modèles, par ailleurs fort réputés, trouveront un débouché très large dans les colonies (Congo et Amérique du Sud). En plein essor, la coutellerie "Le Paon" s'tendait sur une superficie de 2,5 ha et était connectée au chemin de fer afin d'assurer l'approvisionnement en matières premières et le transport des produits finis. Elle cessa ses activités en 1982. A sa place, sur le site "Terres du Sud",  se situe aujourd'hui le magasin "Brico".

Dès après la guerre, tel autre (Léon Laets) pressent que le plastique pourrait, par ses qualités, remplacer les matériaux traditionnellement utilisés pour l’habillement des couteaux (bois, ivoire, nacre, corne, os…). Il crée une usine de plastique (LL) qui prend un essor considérable et parvient en quelques années à diffuser des récipients divers bien au-delà de nos frontières.

Il reste cependant un petit nombre de couteliers qui, par esprit d’indépendance et attachement à leur métier, ont préféré perpétuer les traditions de leurs ancêtres. Ils travaillent encore à domicile, soit comme artisan indépendant, soit comme artisan patron. Si leur production est très limitée, les pièces qu’ils fabriquent sont fort recherchées car elles constituent de véritables joyaux de la coutellerie.

 

 

Les deux clichés ci-dessus illustrent les diiférents ateliers et usines et leur localisation à l'apogée de l'activité coutelière à Gembloux (source CRAHG).

 

A la veille de l'invasion allemande de 1940, la coutellerie gembloutoise occupait quelque 1.200 ouvriers spécialisés.

Un relevé des Affaires économiques au 31/12/1966 mentionne que la coutellerie représentait à Gembloux 37% des entreprises occupant au moins 5 travailleurs. La répartition de la main d’œuvre dans les différents secteurs de la coutellerie était la suivante :

  • Instruments de chirurgie           1 entreprise              331 personnes occupées
  • Couverts                                 3 entreprises             163 personnes occupées
  • Forges et coutelleries               5 entreprises             160 personnes occupées.

Le déclin apparaît bientôt, du fait notamment de la concurrence étrangère, comme le Japon. La plupart des coutelleries cessent leur activité dans les décennies ’70 et ’80.

 

Un petit texte émouvant, écrit par un jeune apprenti gembloutois au début des années 70, et qui évoque la pénibilité de son travail dans une coutellerie locale vers 1964. Il avait alors une quinzaine d'années...Sa vie ne fut pas facile quand bien même il trouva rapidement un emploi de "col blanc" dans un parastatal où il accomplit une carrière de 45 ans.  R.I.P. Francis

De cette activité ne subsiste aujourd’hui qu’une usine, Eternum s.a. fondée en 1924 et qui est la dernière fabrique de couverts en acier inoxydable en Belgique. A signaler aussi l’atelier artisanal de Marc Depireux, installé dans la Grand-Rue et qui s’attache à perpétuer le savoir faire de ses ancêtres depuis 1919. L’essentiel de son activité porte aujourd’hui sur l’aiguisage et la réparation de couteaux, ciseaux, chaînes de tronçonneuses, et l’assemblage de couteaux d’orfèvrerie…

www.sonuma.be/archive/le-dernier-coutelier-de-gembloux

 

Vue aérienne de la coutellerie "Le Paon" début 80.