(1/2) Des origines à l'aube du machinisme

15/12/2014 18:16

Difficile, voire impossible, de situer précisément dans le temps, le moment et les circonstances de la naissance de la coutellerie à Gembloux. Cette activité est pour la première fois signalée dans un rôle dressé en 1747 pour les impôts de capitation. Elle se présente déjà alors comme une activité artisanale locale assez importante. Des documents d’époque font état de « huit maîtres couteliers » dont plusieurs occupent « quantité d’ouvriers ». La cité n’était alors qu’une bourgade agricole, peuplée à peine de 1.700 habitants, encore entourée de ses remparts moyenâgeux, et dont les ¾ du territoire appartenait à l’abbaye. L’activité agricole y était prépondérante mais on y trouvait des boutiquiers et des artisans. Parmi ces derniers, des maréchaux-ferrants, des forgerons et des serruriers-poêliers. C’est vraisemblablement de leurs forges et ateliers que devaient sortir les premiers couteaux et canifs produits à Gembloux.

Deux thèses également plausibles tentent d’expliquer les origines de cette activité. La première suggère que des artisans namurois se seraient fixés à Gembloux fuyant les troubles dont la cité mosane fut le théâtre pendant la guerre de 30 ans et les campagnes de Louis XIV. Ils auraient continué à Gembloux une activité que leurs ancêtres exerçaient depuis le XIVe s. La seconde impute aux abbés et aux magistrats l’initiative d’une orientation artisanale pour remédier à la misère du temps. Leurs choix se serait porté sur la coutellerie, fort en vogue à Namur. Quoiqu’il en soit, la coutellerie n’était pas tout à fait étrangère aux gembloutois. En effet, quelques-uns se rendaient régulièrement à Namur pour y prendre de la besogne chez les « febvres ». Il s’en trouvait même parmi ceux-là qui ramenaient chez eux, en charrette, quelques centaines de lames brutes à travailler à domicile.

Pour émoudre leurs lames, les couteliers recourraient primitivement à la force motrice dispensée par trois moulins à eau situés le long de l’Orneau.Ce système présentait de notables inconvénients. Les artisans devaient se déplacer, le travail était lent et ils devaient souvent attendre leur tour.

La force hydraulique fait place, à la fin du XVIIIe s. à la force humaine. Presque chaque coutelier disposa à domicile d’une meule mue au moyen de pédales ou bien d’une manivelle. Dans la cour de tel atelier on pouvait même voir un chien de grande taille, enfermé dans une roue de 3 mètres de diamètre, qui fournissait l’énergie nécessaire à la rotation de la meule.

Des centaines d’artisans travaillaient à domicile aidés par un ou deux compagnons ou apprentis mais le plus souvent avec leurs femmes et enfants. Leur production était achetée presque totalement par des marchands qui étaient aussi importateurs et grossistes des matières premières nécessaires. D’où de nombreux abus de pouvoir économique qui faillirent à plusieurs reprises provoquer de graves conflits, certains tournant même à l’émeute à tel point qu’en 1848 par exemple, l’administration communale envisagea la création d’une garde bourgeoise et avait demandé 100 fusils au gouvernement provincial pour l’armer.

La chute de l’Empire français et la politique isolationniste pratiquée par la France furent à l’origine d’une crise sévère pour la coutellerie. Aux problèmes de débouchés, il faut ajouter les difficultés d’approvisionnement en matières premières, dues essentiellement à des régimes douaniers peu favorables. L’acier nécessaire était acheté à Solingen ou à Sheffield. La crise atteint son sommet à la fin du XIXe s. , au moment ou les petits artisans se rendent compte que leurs concurrents français, allemands et anglais exploitent les nouvelles techniques offertes par le machinisme naissant, parvenant ainsi à pratiquer des prix plus concurrentiels que les leurs.

Une reconversion s’imposait de toute urgence.